Carmen, août 2015 aux arènes de Vérone, le cadre était idéal, et pourtant ... je n'ai pas tenu jusqu'à la fin du spectacle, la mise en scène trop kitsch et convenu ayant desservi cet opéra dit comique. Autant dire que je me rendais à reculons, honorer cette invitation à la Bastille, cette fois-ci mis en scène par Calixto Bieito.
Cet opéra, mis en musique par Bizet en 1875, nous conte l'histoire d'une femme sexuellement libre vivant une histoire d'amour avec un militaire. Pour elle, pour une histoire de quelques mois, il va aller jusqu'à la déchéance et la tuer, délaissé, je cite, par "cette sorcière, ce démon" car elle tombe amoureuse d'un autre. Ce personnage féminin fort et indépendant « Jamais Carmen ne cédera : libre elle est née, et libre elle mourra.» n'a pas mérité de vivre. Elle est morte effectivement de son trop plein de liberté, l'honneur est sauf, l'ordre patriarcal respecté.
Jusqu'au 16 juillet 2017, la Bastille nous offre une version modernisée assez surprenante et très sexuée qui ne plaira pas à tout le monde. Tout d'abord, Carmen et ses copines sont des bohémiennes ouvertement travailleuses du sexe. Pourquoi pas ... ça diffère de la version originale même si c'est suggéré. Si on se replace dans le contexte actuel, il est vrai que des prostitué.es sont tué.es assez régulièrement (Niurkeli ou encore l'anonyme) sans que personne ne s'en émeuve vraiment.
Carmen, dans cette version, est présentée comme une femme, qui fait commerce de son corps, mais qui en plus est libre, heureuse, indépendante, sexuellement épanouie, effrontée ... Bref, un personnage féminin intéressant. Elle tient tête au nom de l'amour à des contrebandiers, transformés en voyous proxénètes caricaturaux avec leurs chaines en or qui brillent et leur usage de la violence face à une Carmen récalcitrante.
Passons sur la scène ou une enfant de 12 ans assise sur les genoux du toréador, un des amants de Carmen, lui réclame de l'argent, ce qui est plus que limite ... Sa mère, travailleuse du sexe, l'oblige aussi à porter des talons, comme si cette profession était un stigmate génétique.
La 1ère scène de cet opéra, le moment où Micaela arrive dans la caserne militaire fortement haranguée par une trentaine de soldats laisse un goût étrange à l'heur où des agressions ont lieu en live à la télé et font sourire les commentateurs en majorité masculin. Oui, je parle notamment de la scène avec Maxime Hamou (pour ceux et celles qui ont besoin d'explication sur le ressenti de la personne abusée , je vous conseille de regarder cette vidéo), mais aussi celle avec Matthieu Delormeau dans le fameux TPMP. Cette 1ère scène m'a aussi rappelé les images où l'on voit une masse d'égyptiens embarquée le frêle corps d'une jeune fille sous un tunnel. J'ai recherché ses images sur youtube. Elles ont disparu ou très difficiles à trouver...
Et pour finir sur une note humoristique, on ne peut que conseiller de changer les costumes : ils semblent avoir été crées par Desigual, la marque de fringue des daltoniens et mal voyants. Ma touche "police fashion" s'exprime, mais ceci dit ça reste potable. On regrette un peu de ne pas avoir une Carmen un peu plus chic. Je passe sur le style vulgaire caricatural de Mercedes et Frasquita.
Je vous conseille donc fortement de courir à la Bastille pour voir cette Carmen.
A voir également : LA CENERENTOLA, au Palais Garnier mis en scène par Guillaume Gallienne (jusqu'au 13 juillet 2017). Cendrillon sans la peinture Walt Disney...