Voici maintenant plusieurs séances dont je n’ai pas fait le compte rendu. aXelle m’en a fait la remarque et m’a annoncé que j’en serai puni. Dans deux jours, Jeudi, quand nous nous rencontrerons à nouveau, il me faudra subir le châtiment de cette négligence. Connaissant aXelle et sa souriante sévérité, je sais que je ne m’en tirerai pas facilement.
Certes, masochiste comme je suis, je m’y prêterai avec reconnaissance. Mais que l’on ne s’y trompe pas : le masochiste recherche la douleur, en tire dans son attente, comme dans son souvenir, un vrai plaisir. Mais sur le moment il la ressent comme tout le monde. Et c’est difficile. Et ce serait atroce s’il devait oublier qu’il l’a désiré .
Le plaisir qui précède, dans l’attente, et qu’il a consciemment recherché n’est vraiment complet que dans l’appréhension, voire la panique à l’idée du supplice qui va venir. Et le plaisir qui suit a beaucoup à voir avec la fierté d’avoir été jusqu’à une limite qu’il n’imaginait pas pouvoir atteindre dans la souffrance et la terreur.
Je n’espère pas attendrir par ces quelques pages Celle qui sera, dans ces deux jours, mon bourreau. Avec tendresse et attention, je sais pouvoir compter sur sa cruauté, et elle sait que cette cruauté, je la désire.
Mais comme je sais qu’à l’issue de notre rencontre, épuisé, vidé, anéanti par ces sensations violentes qu’elle me prodiguera, j’aurai quelques difficultés à mettre par écrit le récit encore trop vif de ces instants si intenses, peut-être le mieux est-il de faire par avance le compte-rendu des fantasmes qui m’assaillent et qui, Jeudi, m’amèneront à rendre les armes, et à me livrer corps et âme à aXelle que je m’honore d’appeler ma Maîtresse.
C’est Elle qui décidera de ce que sera notre rencontre, c’est Elle qui choisira mes supplices, et saura en graduer la sévérité. Il n’appartient pas au soumis de choisir le menu, je le sais, et d’ailleurs je le veux. Mais je crois assez connaître Celle qui me domine et à Laquelle j’appartiens pour penser que le récit anticipé et fantasmatique, que j’imagine pour notre rencontre, l’amusera et nourrira son inspiration perverse soit qu’elle en garde des aspects, soit qu’à l’inverse elle en prenne le contre-pied et choisisse de m’infliger tout autre chose.
Imaginons donc. Jeudi 13h. Je suis déjà depuis quelques minutes devant le portail qui mène au Trois Mâts, soucieux d’éviter tout retard. J’ai signalé ma présence d’un court appel téléphonique. Rien dans le bref échange ne signale ce qui va se passer, mais mon cœur bat et mon souffle est un peu court. Le portail s’ouvre, j’entre, la haute silhouette d’ aXelle m’apparaît sur le côté.
À peine le portail refermé, sans un mot échangé, sans même que j’ai le temps d’échanger un regard, un bandeau sur les yeux me prive de toute vue. Je sens mes mains saisies, tirées vers l’arrière, et enserrées en un instant, en un clic discret, dans des bracelets d’acier. Me voilà menotté et captif. Quinze secondes auparavant, j’étais un individu normal, errant normalement dans une rue normale, et me voici désormais captif, aveugle et enchaîné. Je tire sur les menottes éprouvant avec délectation, dans leur résistance à mes efforts, l’incommensurable jouissance de l’entrave et de la captivité.
Impuissant, perdu dans le noir, un peu titubant, je suis guidé jusqu’à l’entrée de l’antre du merveilleux démon auquel je me suis livré. Il m’est intimé de sortir de mes chaussures, ce qui n’est guère difficile. Je sens que l’on défait la boucle de ma ceinture, les boutons de mon pantalon que l’on abaisse jusqu’aux chevilles. Toujours le silence, mais je comprends qu’il me faut lever un pied puis l’autre afin que je fusse défait de ce vêtement dont bientôt le caleçon va suivre le chemin. Je suis à moitié nu, le sexe maintenant à découvert et qu’une main vigoureuse saisit fermement, dans un geste qui ajoute à la douleur physique un violent sentiment d’humiliation. D’une certaine manière, c’est ce sexe et ses désirs enflammés qui m’ont conduit jusqu’ici, N’est-il pas naturel que ce soit par lui que je sois désormais tiré et conduit jusqu’à ce qui m’attend ?
Et c’est ainsi que toujours plongé dans l’obscurité du bandeau, les mains toujours menottées dans le dos et nu de la taille jusqu’au pied, je suis conduit, tiré par mon sexe, jusqu’à m’adosser à ce que je reconnaît comme un des piliers du Trois-Mâts. Pilier auquel mes jambes, mes cuisses sont très vite attachées par plusieurs tours de bandes adhésives. Avant que, menottes défaites, les vêtements du haut, pull, chemise, sont enlevés, mains, bras et torses subissant le même sort que le bas du corps, se retrouvant très vite soudées par l’adhésif au pilier. La tête même, front et bouche, se retrouvent également fixés. Désormais, je suis nu, faisant totalement corps avec ce pilier, ne faisant plus qu’un avec lui. Seuls, les seins et le sexe restent dégagés, accessibles, et évidemment ce n’est ni par négligence ni sans but.
Le bandeau enlevé, la vue recouvrée, je peux enfin admirer aXelle dans sa magnificence. Corset en cuir noir, des bas (résille ou noir, j’hésite) remontant le long de ses interminables et merveilleuses jambes, laissant voir largement derrière les cordons du porte jarretelle des cuisses magnifiquement nues, jusqu’à l’élégante pièce de tissu, noir également, qui dissimule le trésor de son intimité. Une fois encore, je suis ébloui, frustré seulement de ne pouvoir approcher mes doigts, mes mains, bien connues comme baladeuses, de l’objet de mon adoration. Vision divine, dont il me faut maintenant payer le prix.
J’ai toujours eu peur des aiguilles dans les seins. Dès que je vois aXelle prendre cette moue attentive de bon élève, déchirer avec application l’enveloppe qui les protège et s’avancer vers moi avec ce sourire charmant et cruel et l’aiguille à la main, la terreur s’installe. Il me faut fermer les yeux, ne pas voir, essayer de ne pas comprendre ce qui va m’arriver, ne pas sentir ces doigts qui enserrent une partie de ma chair. Mais c’est inévitable, un flash de douleur aigue à l’entrée, un autre, un peu moindre à la sortie, je me mords les lèvres… et ça y est : je peux contempler mon corps transpercé par ce fin acier que retient un petit manchon en plastique de couleur pimpante. Il y aurait soulagement, et fierté d’avoir résisté, s’il n’y avait conscience et certitude que ce n’était que la première et que d’autres instants de stress et de terreur et de douleur allaient suivre. La dernière fois, aXelle m’en a ainsi planté huit, quatre dans chaque sein, de sorte qu’aucun des deux ne soit jaloux ! Ne manquant pas de me préciser avec sa douce perversité que celles qui viendraient en dernier étaient réservées pour les bouts des têtons et qu’évidemment elles seraient les plus douloureuses. Il n’y a ainsi aucun sentiment d’habitude. La terreur de ce qui vient et la douleur fulgurante à chaque percée ne manquent pas de monter en intensité à chaque aiguille. et ce n’est que lorsque vient la certitude que le jeu est fini, que le bourreau remballe son matériel, qu’arrivent alors soulagement, apaisement et fierté d’avoir tenu. Plaisir d’autant plus intense que l’épreuve a été dure. Maso, je vous dis !
De combien d’aiguilles aXelle décidera-t-elle Jeudi de me transpercer ? Je ne sais évidemment pas aujourd’hui, à deux jours de là. Mais sachant bien que toute la tendresse d’ aXelle pour ses sujets se révèle et s’épanouit dans sa cruauté souriante, je dois m’attendre au pire, à un pire que j’ai d’ailleurs moi-même sollicité, suscité, ici même en particulier. Et je savoure, à chacun des instants qui me séparent de notre rencontre, je savoure intensément cette peur de l’épreuve, la terreur de ce qui est désormais inéluctable.
J’ai dit à aXelle que lorsqu’elle en aurait terminé, après avoir transformé mes seins en pelote d’épingles, elle se garde de les retirer assez vite comme elle le fait d’habitude pour apaiser sa victime. Je lui ai dit que je souhaitais qu’elle les laisse en place jusqu’à la fin de la séance et peut-être même au-delà. Je me réjouis par avance de ressentir à chaque moment cet acier, ce corps étranger qui m’aura transpercé. Souvenirs et stigmates de l’épreuve, témoignages de ma dévotion envers Celle qui est ma Maîtresse, et sceaux dans ma chair de mon appartenance. Bonheur et fierté d’un piercing temporaire, à défaut de pouvoir en porter un durable.
Un jour, aXelle avait sorti une agrafeuse et avait décoré mes seins de quelques agrafes vite enlevées. Peut-être, Jeudi, aXelle souhaitera-t-elle y recourir et compléter ainsi l’ornementation de ma poitrine. J’attends avec avidité de ressentir ces piqures qui restent intenses dans leur brièveté et je me vois déjà, essayer de tendre la tête, difficilement, entravé que je suis, pour deviner le dessin qu’elles réaliseront.
aXelle a consenti à me laisser les aiguilles, mais par souci de sécurité, elle entend les enfermer dans une gangue de cire chaude, en fait brûlante, qui en se refroidissant les protégera, et mes seins avec, contre des impacts mal calculés. La brûlure de la cire, sur le sein déjà meurtri, la sensation de rigidité qui s’installe, d’un corps étranger qui fait désormais partie de moi, tout est étrange, difficile, délicieux.
J’ai toujours aimé l’idée de porter dans mon corps une marque susceptible de révéler ce que je suis au fond de moi et qui n’apparait que dans ces moments partagés aux pieds d’ aXelle. Il y eut quelquefois des tentatives en ce sens mais qui s’effacèrent bien vite, signes discrets sur le sable de mon corps que la marée des jours vint bien tôt effacer. Ce Jeudi, je sens qu’ aXelle ira plus loin.
Alors, toujours ficelé à mon pilier, tellement serré qu’il me semble faire désormais corps avec celui-ci, m’être fondu en lui, je vois aXelle revenir vers moi. Que tient-elle à la main ? Un rasoir, des bandes de cire et je sais alors, avec excitation et appréhension, qu’ aXelle va m’imposer la plus totale et la plus complète nudité, tous poils pubiens devant disparaître. J’en ai toujours rêvé tout en sachant que ce sera délicat à gérer, et si j’en ai toujours rêvé, c’est précisément pour cette raison. Pendant des semaines, mon intimité, mise à nu, sera délicieusement révélatrice de mon état et de ma servitude.
Rasoir ou cire ? Douceur ou douleur ? Je ne sais pas encore ce qu’ aXelle, dans le fantasme de ce récit anticipé, a décidé. Mais je m’imagine avec intensité, livré à ses mains expertes et m’abandonner si totalement en esprit à ce geste qui me semble aujourd’hui une magnifique et totale prise de possession de mon corps. Et quand je serai ainsi, si totalement nu, le bas ventre dépouillé de tout ce qui cache et obscurcit, je serai la toile sur laquelle aXelle pourra imposer sa signature, un A gravé à la pointe de l’aiguille, sanguinolent d’abord avant de s’inscrire plus sagement dans la chair, ou bien aussi un A composé d’agrafes perforant la chair, peut-être les deux ensemble. Je fantasme, je suis fou, voyez où mène le désir, le besoin, la nécessité de se donner, d’appartenir, simple objet, propriété immatriculée au nom de sa Maîtresse. Et je me donne, je m’abandonne, je suis Sa chose.
Ce qui suit est tout de douceur, de désir, de plaisir. aXelle s’approche de moi, à toucher, ventre contre ventre. Que fait-elle, comment s’y prend-elle ? On ne révèle pas le secret des fées. Mais à trois jours de la rencontre je m’imagine transporté dans l’extase qu’ aXelle sait si bien amener. Je jouis comme jamais.
Toute médaille a son revers. « Je viens de te traire, comme une vache, dernière station avant l’abattoir… Maintenant je vais te punir. Durement. Et sans réconfort de l’excitation du désir… Et en silence.» Et pour se garder des meuglements de l’animal battu, aXelle me bâillonne. Elle enlève sa culotte, verse sur elle le contenu du préservatif qui a recueilli ma jouissance, en fait une boule qu’elle m’enfourne dans la bouche avant de scotcher, de la bouche à la nuque, du crâne jusqu’au menton. Je ne puis plus que pousser quelques faibles grognements inarticulés. Mais je n’y prête guère attention, absorbé que je suis à savourer la combinaison des odeurs intimes de ma Maîtresse et de celle de mon propre sperme, mélange, alliance de saveurs dont je veux goûter au mieux l’étrange harmonie.
Maintenant détendu après ce moment inouï de plaisir, relâché, je dois réaliser qu’il me faut désormais subir ma punition. Punition pour avoir négligé mes devoirs de compte-rendu, punition pour expier le plaisir reçu quelques instants plus tôt, punition aussi, sans motif ni raison, parce que ma nature, mon destin de soumis et d’esclave le commande, parce que mon corps et mon esprit de masochiste le réclament.
Il y aura le fouet, mains attachées au-dessus de la tête à la chaine qui descend de l’étage, barre d’écartement aux pieds. Bâillonné, les aiguilles toujours dans les seins cachées dans leur habitacle de cire refroidie, et pour compléter un plug ou un crochet anal dans les fesses, histoire de ne pas laisser vierge cette partie de mon individu. Il y aura des fouets de toute taille, des courts et épais, des longs qui s’effilent à la fin. Il y aura la morsure aigue lorsque la fine extrémité, lancée à pleine vitesse, et menée avec une diabolique habileté vient heurter les parties les moins aguerries de mon corps. Il y aura aussi le bruit sourd du long fouet quand il vient s’enrouler, brûlant serpent, autour du ventre…
Combien de coups, combien de temps ? J’aime compter le nombre de coups, bien forts et bien assénés distinctement. aXelle aime se laisser aller jusqu’au temps qu’elle a décidé de s’impartir. Laissons-nous deviner quelle option sera choisie… Et surtout pour combien… de coups, de minutes.
Après il y aura la canne. je me vois dans l’inconfortable carcan qui enserre, bien alignés, chevilles et poignets, tête à terre et cul haut relevé, bien à la portée du Maître des Supplices. Canne, cravache, toujours sévères. Combien de coups, de minutes…Dans l’inconfort d’une position exigeante.
Il a été convenu que je n’aurai pas de Safe Word. Je dois être battu au gré et à la fantaisie d’ aXelle. je la sais assez sadique et cruelle pour n’en attendre aucune pitié. Mais je lui fais totalement confiance pour savoir que je serai toujours en sécurité.
Et j’ai mal, et dépourvu désormais de toute excitation sexuelle, j’ai très mal. Dans la bouche le bâillon au goût du sexe d’ aXelle et de sperme mêlés commence à m’écœurer. Je ne sens plus le plug dans mon cul. J’ai mal, quand donc s’arrêtera-t-elle cette fichue punition ? Je me maudis de m’être aussi follement soumis à cette épreuve. Je me jure que c’est la dernière fois et que j’arrête tout…
Sachant pourtant que je ne le ferai pas, que les chaînes invisibles qui dans ma tête font de moi un soumis, qui me font aimer la servitude et me commandent de jouir d’être un esclave, ne se rompront pas.
Et puis, au bout d’un temps qui me paraît interminable, alors que j’en suis à pleurer comme un enfant, suppliant silencieusement, faute, toujours bâillonné, de pouvoir m’exprimer, tout s’arrête. Je suis détaché, le plug est retiré et l’impitoyable bourreau qui m’ a torturé redevient la merveilleuse amie pleine de sollicitude et de tendresse, et à laquelle je suis fou de bonheur d’avoir offert ma souffrance de masochiste fleur bleue !!!!
Ce sont, quand tout s’arrête, quand chacun a tout donné, l’une sa bienveillante cruauté, l’autre ses efforts et sa douleur, ce sont de bien beaux moments de réelle et profonde amitié. Merci aXelle.
Vient le retour à la vie normale. Je pars portant sur mon corps, gravé sur le bas ventre, désormais débroussaillé et désert, la marque d’ aXelle. Et peut-être encore des aiguilles dans les seins enfermées dans la cire figée… encore pour quelque temps, le temps du retour.
Je pars, mais en fait je viens d’un voyage dont en réalité on ne revient jamais vraiment. Et bientôt je reviendrai.
Merci aXelle.
En réalité, ce n’est pas ainsi que les choses se passeront Jeudi. Ce sera à aXelle de décider, et de décider de tout. J’ai conscience que le soumis que je suis, l’esclave que je veux être, ne doit ni ne peut dicter à sa Maîtresse ce qu’Elle fera de lui. Il n’y a ni cartes, ni menu dans lesquels il puisse choisir. Seule la fantaisie et le caprice d’aXelle importent et commandent. Et je viendrai Jeudi dans cet esprit de totale soumission, d’abandon complet. Ce récit anticipé a pour seul but, pour seul sens, de révéler à ma Maîtresse mon univers fantasmatique, de me mettre à nu, en esprit, devant Elle, de même que je le serai physiquement Jeudi. Sans écran, sans réserve, sans autre protection que son bienveillant sadisme, sa cruauté attentive et sa généreuse, compréhensive et tolérante amitié.
COMMENTAIRE D'AXELLE DE SADE :
L'espiègle maso m'a-t-il envoyé un scenario que je vais suivre à la lettre ? Il aura la réponse d'ici quelques heures et vous dans quelques jours si vous revenez sur ce billet.
Merci à l’espiègle maso pour le magnifique récit d'anticipation de sa punition. j'apprécie par dessus tout l'idée de ce bâillon original que sa maitresse attentionnée vient lui fourrer dans la bouche pour s'éviter d'avoir à l'entendre crier quand elle le fouettera....quel délice que le mélange de ces sensations intimes au moment du saut dans la douleur des coups.....
Je pense que l’on voit ici ce que beaucoup de lecteurs, à mon image font, avec des récits imaginaires où l’on vit nos envies à loisir. Merci pour ce partage
il y a dans nos têtes des mots plus puissant que nos expériences, l'espiègle maso nous propose un texte si puissant, qu'il nous fait comprendre cette recherche si antagoniste de souffrir pour ce libérer de notre volonté de l'espoir d'être aimer pour ce que l'on est...
Merci pour se magnifique texte